Vingt résistants exécutés, presque tous des hommes jeunes et, à deux exceptions
près, d’origine polonaise. Parmi eux, une seule femme : Teresa Zolkowska. Une moyenne d’âge à peine supérieure à 23 ans, la moitié d’entre eux ayant 20 ans ou moins. Ce maquis appartenait à la
branche MOI (Main d’œuvre Immigrée) des FTP (Francs tireurs et partisans), bras armé de la résistance communiste. Le fait que ces jeunes gens rejoignent un maquis de la MOI ne signifie pas que
tous adhèrent aux idées du Parti communiste. Ils entrent dans la clandestinité parce qu’ils se sentent menacés par la politique xénophobe et anti ouvrière du régime de Vichy, parce qu’ils
cherchent à échapper aux réquisitions du Service du Travail Obligatoire, parce qu’ils voient la libération approcher et sont avides d’action. Même si la belle saison en atténue les rigueurs, la
vie cachée dans les bois n’est pas facile.
Le chef du groupe venait clandestinement s’approvisionner auprès des fermes dans
la petite vallée du Cotatay sur le versant septentrional du Pilat, près du Chambon-Feugerolles. Lorsqu’en juillet 1944, il stationne à la ferme de Rioclar, entre le col de la République et
Saint-Genest-Malifaux, le maquis se retrouve aux abords de la route Saint-Étienne – Valence qui traverse le massif du Pilat. Il est donc en position de surveiller et menacer des convois allemands
qui voudraient éviter l’axe rhodanien. Conscient des risques qu’il court, le maquis déménage le 16 juillet pour venir occuper une ferme inhabitée dans une clairière des Grands bois, au lieu-dit
les Loges de Monteux.
Dans la journée du 19 juillet, deux hommes commettent l’imprudence de venir
consommer au café de l’hôtel du Grand Bois. Plusieurs dénonciations parviennent à la Kommandantur. Selon le gérant de l’hôtel, le 20 juillet à 5 heures du matin, un millier d’Allemands (d’autres
sources parlent de 400 hommes) viennent encercler le secteur. Un témoin voit trois camions arriver à sa hauteur vers 9 heures du matin. Les Allemands bien renseignés, arrivent discrètement et,
profitant de l’effet de surprise, ils ouvrent le feu sur les résistants. Selon un témoin : « Il y en a eu trois fusillés, plus un tué qui s’évadait ». Mais il s’avère impossible pour les
résistants de se replier. Plusieurs maquisards tombent au cours de la fusillade qui dure environ deux heures. Les autres sont faits prisonniers. Un autre témoin raconte la suite : « Après la
bataille, les Allemands ont chargé sur une charrette, tout le matériel qu’ils ont trouvé sur les lieux. Puis ils ont fait sauter la maison occupée par le maquis, et en même temps, ils ont fusillé
les prisonniers faits sur place ».
Sitôt la Libération intervenue, le Tribunal militaire de Saint-Étienne, est
saisi de l’affaire. Les interrogatoires durent deux mois, certains témoins devant être recherchés jusqu’à Paris. Le rapport final, daté du 10 novembre 1944, insiste sur « les graves
responsabilités » qui pèsent sur une dizaine de personnes, toutes françaises. Ce rapport révèle la bassesse de certaines d’entre elles : une femme reconnaît avoir, pour 7.000 francs, indiqué la
localisation précise du groupe.
Après le temps de l’opprobre, avec la capitulation allemande, arrive le temps
des hommages. Le premier anniversaire est célébré à La Ricamarie par une cérémonie unanime et émouvante. On note la présence du secrétaire du Préfet, des maires des diverses communes minières
toutes tendances politiques confondues, d’une délégation polonaise. Un office religieux est célébré en l’église paroissiale par trois prêtres dont le curé qui retraça l’historique de la bataille.
Le journal stéphanois Le Patriote, tient à souligner le patriotisme de ces jeunes gens : « Ce maquis, formé de Polonais et de quelques Français est l’affirmation touchante de l’amitié séculaire
Franco-Polonaise, sentie profondément et d’instinct par les masses populaires car tous ces maquisards étaient des ouvriers et la plupart des mineurs ». Le même jour, au Chambon-Feugerolles ce
sont aussi les mémoires de Félix ZDRACK, tombé le 23 avril 1944 au camp Wodli et celle de Joseph GRZEGORCZYK qui sont honorées ; à Roche-la-Molière, dans la cité polonaise de Beaulieu, c’est à
Joseph GRAMATYKA que l’on rend hommage. Ces jeunes Polonais du bassin minier tombés au combat dans les rangs de la Résistance sont reconnus comme « Morts pour la France ».
Un premier monument est inauguré le 1er novembre 1945, sur les lieux mêmes du
massacre. L’ambassadeur de Pologne le Dr SKRZESZEWSKI ainsi que le chef de la mission militaire polonaise en France, le colonel NASZKOWSKI, sont également présents. En juillet 1946, en présence
de toute la communauté polonaise du bassin minier stéphanois, la municipalité de La Ricamarie inaugure son monument dans l’enceinte du cimetière. Au sommet d’une stèle de marbre blanc figure
l’emblème de la France Libre « la Croix de Lorraine » et le V de la victoire entouré par les drapeaux français et polonais. À la base, sont inscrits les noms des vingt maquisards. Au centre une
double inscription dans les deux langues : « Aux héros tombés à la Versanne pour votre liberté et la notre. 20-7-1944 ». Aujourd’hui, les actes de décès de chacun de ces jeunes Polonais
“inconnus” portent en marge : « Mort pour la France ».